La mission du 17 juillet 1944
Apres que les 2 moteurs gauche de notre avion furent endommagés par des éclats d'obus antiaériens , le pilote decida que nous pourrions au moins atteindre les cotes de la Corse. Nous jetames par dessus bord toutes les armes et autres equipements inutiles en la circonstance , afin d'eviter que l'avion ne perde de l'altitude . Cette mesure n'etant pas suffisante , Ben , le pilote fit demi-tour vers le sud de la France et nous ordonna de sauter aussitot que nous fumes au dessus des rivages . Le mitrailleur de la tourelle superieure etait atteint par plusieurs eclats et etait deja mort . Le co-pilote refusa de sauter , pensant que ce dernier pouvait etre encore en vie et qu'il pourrait avoir de l'aide apres l'atterrissage . J'essayai de convaincre Zimmerman , le co-pilote , que Harless ne pouvait en aucun cas etre encore en vie apres une blessure si profonde a la tete ; son corps avait aussi été atteint par des eclats a plusieurs endroits . Zimmerman s'obstina et refusa a nouveau de sauter . C'est alors que Ben le pilote , lui confia la responsabilité de l'appareil . Comme tu le sais Robin , l'appareil fit un atterrisage sur le ventre reussi. J'appris plus tard que Zimmerman survecut , n'ayant souffert que d'une fracture a la jambe durant l 'aterrissage . Nous lui annoncions aussi que Harless etait mort.
Mais revenons a la séquence ou nous etions au dessus des cotes de France et apres avoir eu cette conversation avec Zimmerman . Je recus un appel me demandant d aller dans le centre de l'avion voir pourquoi l'un des mitrailleurs ne voulait pas sauter . Il avait si peur et tremblait tellement qu il n arrivait pas a se tenir debout. Apres l avoir quelque peu calmé , je lui demandai de s agenouiller face a la porte basse a l'arriere et de saisir le cordon d'ouverture de son parachute. A ce moment la , je le poussai dans le vide , et durant quelques instants j'eus l impression d avoir envoyé cet homme a la mort. Je vis que son parachute s etait ouvert et j'ai alors sauté aussi . Lors de ma descente , les allemands au sol me tirerent dessus . La chance voulut que je ne fus atteint qu a l'annulaire gauche . Lorsque je touchai le sol ma cheville gauche se brisa et mon pied etait disloqué . Je le remis facilement en place toutefois . Puis , je preparai un pansement de brindilles d'herbe et pris un bandage qui se trouvait dans la trousse de premiers soins attachée au parachute. Ensuite , j'appliquai ce pansement a ma cheville et l'attachai avec un cordon du parachute afin de le maintenir .
Peu apres l'aterrissage , celui que j'avais poussé hors de l'avion me trouva et me raconta qu'il etait ravi de sa descente en parachute . Il me dit que ce fut la plus la plus grande sensation de sa vie , car apres qu il eut sauté toute peur disparut. Presque au meme moment les allemands nous virent et nous ordonnerent de nous approcher d'eux. Ils ne permirent pas a mon camarade de me soutenir et il m etait difficile de marcher seul jusqu a eux . Une fois pres d'eux ils nous montrerent du doigt un panneau sur une cloture ou etait inscrit en allemand : "Attention , champ de mines !" Etant donné que nous etions sur une plage , ces mines etaient probablement destinées a de l'equipement lourd .
Tandis qu'ils nous conduisaient jusqu'a leurs quartiers , un officier apparut et donna l'ordre au soldat de me porter sur son dos jusqu'au camion qui venait d arriver pour nous transporter jusqu a leur batiment . C etait la que je passai ma 1ere nuit en captivité , essayant de dormir sur le sol derriere un gros appareil de chauffage . Je ne sais ou ils emmenerent mon compagnon . Je n'ai vraiment jamais su exactement les noms de tous les membres de l equipage afin de m en souvenir apres tant d annees .
Le jour suivant je fus transporté dans une belle maison pres de la plage pas tres loin de la ville d'Avignon . Je pense que cette maison abritait les bureaux d'un hopital voisin. On me donna un pyjama et un bon lit au 2eme etage . J'y suis resté du 18 au 28 juillet 1944 , au lit avec ma jambe elevee afin d'en reduire l'enflure .
J'avais 3 gardes differents , chacun d'eux en poste pendant 8 heures. Celui qui me gardait la nuit apportait toujours avec lui une bouteille de vin et de quoi manger pour nous deux, et nous jouiions aux dames. Un autre s 'appretait a m'aider a m'enfuir et m'apportait differentes sortes d'armes afin que je m'y familiarise . Le troisieme etait un polonais a qui j'ai communiqué mon adresse a la maison , et quand il fut fait prisonnier durant l'invasion du sud de la France , il put contacter un soldat americain et lui demander d'avertir ma femme que j 'allais bien . Ma jambe etait guerie le 27 et le 28 on m'emmena en train a Oberrausal en Allemagne pour subir mon interrogatoire . Entre Lyon et Paris j'ai essayé de m'evader en sortant par la fenetre tandis que le garde accompagnait un autre prisonnier aux WC . A ce moment precis le train allait assez lentement et je pensai que j'aurai pu sauter sans risque de me faire mal , et ensuite nager dans le Rhone avec l'espoir d 'etre repéré par des resistants . J'avais pris le havresac du garde et avais deja une jambe hors du rebord de la fenetre , quand une francaise , que le garde avait invitée a voyager dans le meme compartiment , s'etait mise a pleurer en me tenant la jambe . Elle me dit que si j 'arrivais a me sauver , les allemands la tueraient pour m'y avoir aidé. Tous les hommes , francais , qui stationnaient dans le couloir , voulaient me voir m'evader . Et quand je me suis dit qu apres tout ce ne serait pas la meilleure chose a faire , je retournais m'asseoir esperant que je ne regretterais jamais cette decision . Les restant du voyage jusqu'a Oberrausal se passa sans incident
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